Tout est grâce

Témoignage d’un prêtre
à l’occasion du Jubilé 2000
Seigneur, je suis né avec cette tendance ou je l’ai contractée je ne sais où, je ne sais quand.
Même les responsables de ton Eglise reconnaissent qu’elle reste un « Mystère » inexpliqué aujourd’hui. Puisque « tout est grâce », j’ai fini par m’accepter.
Xavier Thévenot ne dit-il pas que cette tendance est « porteuse de relations qui présentent bien des valeurs ».
Merci Seigneur pour ces valeurs qui m’ont toujours habité. Merci de m’avoir donné le charisme de m’intéresser à ceux qui sont « différents » : malades de l’alcool, prostituées, gens du voyage, pauvres du Mali, drogués, porteurs du virus du Sida et, aujourd’hui, celles et ceux qui vivent cette tendance un peu comme un chemin de croix.
Moi aussi j’ai traversé des périodes difficiles, scabreuses. Le plus dur n’a pas été la chasteté que j’ai acceptée comme tout prêtre, mais la clandestinité, le port d’un masque qui vous empêche d’être VRAI pour ne pas risquer de choquer l’autre, de l’éloigner de l’Eglise.
Tout cela à cause du regard de beaucoup, à cause de l’attitude de l’Eglise qui, lorsqu’elle parle des personnes homosexuelles a presque toujours une parole négative.
Quand j’ai lu dans « Eglise de Nantes « (n° 17 de 1999) « A l’heure du jubilé, osons dire ce que nous vivons », j’ai pensé que ne pas témoigner serait un péché d’omission, même si ce n’est pas évident et que ça demande un certain courage. Alors « Réflexion et Partage » est née pour regrouper celles et ceux qui accepteraient de « partager » avec la communauté diocésaine ce qu’ils vivent en tant que chrétiens concernés, je pourrais même dire « habités » par cette tendance homosexuelle.
Le service de la communication « Actes des chrétiens » demande «  des faits, des comportements, des choix, des actions, personnels ou collectifs » (Eglise de Nantes n°6 – 2000), démarches délicates vis à vis des personnes concernées.
Personnellement, je partagerais quelques faits.
a) Lors de la grande mission de 1958, vicaire dans une paroisse de la côte, lors d’une veillée de prière à l’église, je me suis senti poussé par une force intérieure à aller témoigner à des clochards et des prostituées qu’ils n’étaient pas oubliés par l’Eglise. Le thème de la mission était « les pauvres » !
Discrètement, j’ai quitté l’église et suis allé au blockhaus. L’un d’eux, alcoolique et divorcé depuis 17 ans a « accueilli » cette amitié. Un espoir est né sur son visage : retrouver sa femme et ses enfants. En pleine nuit, je l’ai installé dans une chambre de la cure. Il n’a jamais rebu et s’est réhabilité. Deux ans plus tard, le Seigneur m’a fait la grâce de retrouver sa femme et ses enfants et d’obtenir leur pardon.
La famille connut alors 23 ans de bonheur jusqu’au décès de Pierre. J’ai continué avec des prostitué(e)s.
b) Au soir de l’au revoir à Roberto en 1987, mort du Sida, nous nous trouvions quelques chrétienns de David et Jonathan en récollection à l’abbaye de Bellefontaine. J’ai proposé la fondation d’Amitié Sida.
1990, 25 Janvier. Agnès qui est atteinte du sida écrit une page de son livre : « La vie aux trousses » : « Jour de mon anniversaire, j’ai 32 ans et je ne veux pas mourir… J’ai peur. J’irais bien me confier à un prêtre, mais à quoi bon ! Il me prendra par la main, comme il en a pris d’autres, accompagné du petit sermon pour l’occasion. Je voudrais tant lui dire que je veux vivre encore. Mais, après tout, la mort, c’est son boulot ; il gagne sa petite ou sa grosse enveloppe, ça dépend des moyens de la famille » (page 205).
1er Mars 1990, je croise Agnès dans l’ascenseur à l’Hôtel Dieu. « C’est vous, Paul? » Nous sympathisons et nous nous revoyons. Elle accepte de témoigner avec d’autres  le 3 avril devant 170 prêtres et religieuses. Elle se sent « RECONNUE », commence une montée spirituelle fulgurante jusqu’à son départ vers la Jérusalem céleste.
24 décembre 1990 : « Pourquoi tu m’appelles pas Toi qui es là-haut »
Le 26 décembre, le Ressuscité l’accueillait.
c) Un jeune accompagnateur d’un mouvement d’Eglise, très pieux, plein de générosité, me confie son désir de vie religieuse et ses tendances homosexuelles. Je l’apaise, lui demande de beaucoup prier pendant un certain temps. Moi aussi, je prie… Nous nous revoyons. Je lui conseille une démarche en pleine transparence. Il chemine…Le provincial l’admet en pleine connaissance de cause à ses vœux perpétuels.
Pierre me confie ses tendances homosexuelles et m’invite à des rencontres de « Devenir un en Christ ». Puis, un jour, il me déclare ses sentiments pour une amie qui œuvre dans la même association.
Je lui demande l’entière transparence. L’un et l’autre prennent leurs responsabilités. Je célèbre leur mariage. Aujourd’hui, c’est une belle famille avec deux enfants. Je pourrais continuer…
Plusieurs fois des jeunes se sont confiés à moi. Je leur ai toujours « proposé » de rencontrer leurs parents en leur présence. Les uns et les autres ont apprécié de pouvoir enfin vivre en VERITE.
Déjà « Réflexion et Partage » porte ses fruits.
A la suite d’annonces dans la presse et la « Vie », des chrétiens ont « osé » briser le silence…faire le pas de confiance et du partage de leur vie au sein d’une petite communauté.
En cette année jubilaire, puisse l’Eglise diocésaine, qui s’est davantage ouverte aux divorcés remariés, oser une parole positive, parole de confiance et d’espérance, parole d’affection envers « ses » enfants à tendance homosexuelle.
Qu’elle contribue à sortir de leur isolement ceux et celles qui en souffrent le plus, à favoriser leur insertion en son sein et dans la société.
Un « Message Pastoral » comme celui des évêques des Etats-Unis aux parents d’enfants homosexuels ou comme « Accueillir la personne homosexuelle «  du Père Xavier Thévenot leur permettrait de goûter, eux aussi, à la Joie du Jubilé.
Paul
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