Témoignage à l’occasion du Jubilé 2000
Ça n’a pas été facile de m’accepter comme homosexuel alors que j’étais croyant convaincu et pratiquant et que l’Eglise (non seulement le Pape et les évêques mais aussi de nombreux chrétiens et jusqu’à mes propres parents) me répétaient à l’envi que mon attirance pour les hommes étaient « une abomination », un acte contre nature qui faisait de moi un débauché.
Comment Dieu, qui m’avait créé « comme ça » et qu’on dit « tout amour » pouvait-il faire que mes amitiés masculines soient mauvaises ? Mes élans amoureux étaient-il profondément différents de ceux de mes camarades qui sortaient avec des filles ? Etaient-ils viciés dès le départ simplement parce que 90% des gens préfère la compagnie de l’autre sexe ? Etais-je seul à ressentir ce trouble ?
Il m’aura fallu plusieurs années d’interrogations, de réflexions et de prières, un mariage aboutissant à un divorce, le soutien d’un prêtre, la rencontre d’autres garçons comme moi et ma participation à une association pour homosexuels chrétiens, pour arriver à cette conviction : oui, c’était bien dans le dessein de Dieu que je sois homosexuel, que je l’accepte et que j’essaie de le vivre le mieux possible. Dieu ne me rejetait pas. Il ne faisait pas de moi un paria mais un « fils » qu’il aimait tendrement au même titre que tous ses enfants.
Il m’aura fallu plusieurs années de doutes, de mépris de moi, avant que je reconnaisse que Dieu ne pouvait pas renier celui qu’Il avait créé, ni interdire que je vive cet amour humain dont Il se réjouit pour les hétérosexuels. Il m’a fallu relire la Bible de façon moins littérale pour découvrir que les rédacteurs inspirés ne pouvaient pas décrire la Création autrement que comme la rencontre entre un homme et une femme, que les auteurs du Deutéronome avaient pour priorité la sauvegarde de leur tribu et donc la procréation et que Saint Paul ne connaissait rien de l’homosexualité saine, constitutive de la personnalité.
Depuis ces temps bibliques la société a bien changé. Dernièrement, nos députés ont même voté une loi qui reconnaît de facto l’existence des couples homosexuels. C’est un acte de justice protégeant les droits de deux personnes vivant sous le même toit mais c’est aussi une reconnaissance de l’amour vrai (n’ayons pas peur du mot !) que peuvent se porter deux personnes de même sexe.
Au bout de ces 40 années de luttes, avec ses moments de joie et de désespérance – avec ses ratées aussi – je m’étonne de vouloir encore faire partie de cette Eglise qui m’a si souvent malmené. Pourtant, si les chrétiens (et pas seulement leurs pasteurs) savaient ce que l’Eglise doit à tous ces homosexuels (hommes et femmes) qui œuvrent en son sein, dans le secret de leur identité, si les chrétiens reconnaissaient tous les trésors de patience, de dévouement et d’attention aux plus « pauvres » dont les homosexuels font preuve chaque jour (aide aux malades du Sida, aux personnes âgées, travail dans le secteur de la santé ou de l’éducation, etc… ), ces chrétiens ne seraient pas si prompts à condamner des milliers de leurs frères et de leurs sœurs ou à ne les accepter que du bout des lèvres.
Je témoigne donc ici de la force de l’Esprit qui m’a permis non seulement de conserver ma foi intacte mais même de la renforcer. Je témoigne aussi de ces nombreux amis homosexuels, chrétiens ou non, qui vivent l’évangile de façon remarquable, sans renier ce qu’ils sont.
Yves