Des initiatives pastorales porteuses d’avenir

Des initiatives pastorales porteuses d’avenir pour une meilleure intégration des personnes homosexuelles au sein de l’Église catholique.

Quand on pense à l’Église Catholique par rapport aux personnes homosexuelles, on pense de suite à la doctrine, au catéchisme et on se heurte à quelques expressions qui blessent et répulsent les personnes homosexuelles qui cherchent à vivre leur foi de manière sereine dans les communautés chrétiennes.
Mais au-delà du catéchisme et de la doctrine, un nouveau regard apparaît sur les personnes homosexuelles et leur vie, particulièrement en France et aussi dans certaines paroles fortes du pape François.
Tout d’abord en France, depuis quelques années, le Conseil Famille et Société de la Conférence des Évêques de France a produit 2 textes qui révèlent des avancées pour une meilleure prise en compte des personnes homosexuelles : «  Ce n’est pas parce que l’Église accorde un statut particulier à cette relation d’amour entre un homme et une femme, qu’elle n’accorde pas de valeur à d’autres relations d’amour … » Dans la partie du texte ou il est question de La valeur d’une relation affective et durable : « nous pouvons estimer le désir d’un engagement à la fidélité d’une affection, d’un attachement sincère, du souci de l’autre et d’une solidarité qui dépasse la réduction de la relation homosexuelle à un simple engagement érotique. »[1]. « La diversité des pratiques homosexuelles ne doit pas empêcher de prendre au sérieux les aspirations de celles et ceux qui souhaitent s’engager dans un lien stable »[2].

Le deuxième texte du Conseil Famille et société en mai 2013 invitait à poursuivre le dialogue. Là encore, je veux relever ce qui est positif : « L’homophobie, comme toute forme de discrimination est inacceptable. Pour les communautés catholiques, l’accueil inconditionnel de toute personne est premier. Toute personne, indépendamment de son parcours de vie, est d’abord un frère et une sœur dans le Christ, un enfant de Dieu…(…) chaque personne a droit à un accueil aimant, tel qu’il est, sans avoir à cacher tel ou tel aspect de sa personnalité » [3].
Des écrits qui me semblent importants et invitent à une meilleure intégration et au refus de toute discrimination, de toute homophobie.

Ce nouveau regard change également du côté du Vatican ou plus précisément du côté du pape. Tout le monde se rappelle tout d’abord cette fameuse phrase du Pape François « Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour juger ?».

On pourrait aussi souligner ce qui traverse plus récemment l’exhortation « La joie de l’amour » du Pape François suite au Synode de la Famille. Même si bien des personnes homosexuelles ont été très déçues par ce qui est dit (n°250 et n° 251), c’est-à-dire peu de choses, à y regarder de plus près, cette exhortation est traversée par l’accueil inconditionnel, la pédagogie divine, le discernement et surtout l’intégration de toute personne dans l’Eglise à la suite de l’attitude de Jésus quelle que soit « sa tendance sexuelle ». Le Pape fustige toute « morale bureaucratique froide en parlant des thèmes les plus délicats et nous situe « plutôt dans le contexte d’un discernement pastoral empreint d’amour miséricordieux, qui tend toujours à comprendre, à pardonner, à accompagner, à attendre, et surtout à intégrer » (n°312).

Ce nouveau regard permet aujourd’hui très concrètement à de nombreux diocèses en France de proposer des initiatives qui vont dans le sens d’une intégration des personnes homosexuelles et de leurs familles.
L’objectif de ces initiatives n’est pas de tant de mettre en place une « pastorale » à part qui favoriserait l’accueil des personnes homosexuelles, ce qui serait une forme de stigmatisation positive, mais plutôt la reconnaissance et l’estime de ce qui est vécu par chacun « pour que ces personnes puissent vivre une vie chrétienne ordinaire et engagée et tenir leur place dans l’Église comme toute personne baptisée »[4].
En France, près de 30 diocèses se sont mis en chemin. Quelques exemples, parmi d’autres, témoignent de ces avancées significatives.

Personnes missionnées et créations d’équipes diocésaines
Des prêtres (ou diacres ou laïcs) missionnés par leurs Évêques pour créer des équipes dont la mission est « d’être signe de l’accueil inconditionnel et bienveillant de l’Eglise au nom du Christ, afin que l’Évangile illumine chacun. »[5]. Ces prêtres (ou diacres ou laïcs) et ces équipes ont des missions différentes en fonction de la spécificité des diocèses. Il en existe, à ma connaissance, dans les diocèses d’Aix en Provence, d’Angoulême, de Bordeaux, de Créteil, d’Évry, de La Rochelle, de Lille, de Limoges, de Lyon, de Nanterre, de Nantes, de Nice, d’Orléans, de Poitiers, de St Etienne, de Séez, de Tours, Troyes. Cette liste n’est sans doute pas exhaustive. Quant à  leurs missions spécifiques, on ne peut toutes les décliner dans un tel article, mais je cite, non à titre d’exemple mais plutôt comme possibilité, la mission donnée par l’Évêque à l’équipe de Nantes :

  • offrir un espace chrétien de parole et d’échange aux personnes homosexuelles et à leurs proches
  • aider les personnes homosexuelles à marcher sur un chemin de foi et à trouver leur place dans la communauté chrétienne
  • aider les communautés chrétiennes à accueillir les personnes homosexuelles comme des frères et sœurs en Christ.

Cette équipe diocésaine pourra aussi mener un travail d’expertise pour :

  • approfondir la réflexion chrétienne sur l’homosexualité et rendre disponible une documentation fiable
  • conseiller les acteurs pastoraux sur des questions particulières ou générales.

Globalement, on peut dire qu’elles permettent des lieux d’accueil et d’écoute, des groupes de parole en se rendant visible par un dépliant avec téléphone, mail, personne à contacter (dépliant envoyé la plupart du temps dans les communautés chrétiennes). Certaines de ces équipes sont issues de la Pastorale des Familles des diocèses ou simplement en lien. Elles sont constituées de prêtres, de délégués à la Pastorale des Familles, de parents ayant un enfant dont l’orientation est homosexuelle, de personnes homosexuelles, de personnes non concernées, de psys, de théologiens etc…

Ces équipes sont à l’origine de propositions pastorales diverses :
Groupe de parole de parents et de personnes homosexuelles, par exemple à Angoulême Grenoble, Orléans, Poitiers. « Ces groupes sont très importants pour échanger, communiquer, libérer la parole et se soutenir les uns les autres » (une mère de famille)
« Chemin d’Emmaüs » à Nanterre, Créteil, Orléans, Nantes.
Ces marches spirituelles d’un jour ouvertes à tous et particulièrement aux personnes directement ou indirectement concernées par l’homosexualité favorisent le dialogue. Marcher ensemble suscite la rencontre en profondeur dans un climat apaisé et serein.  Ces « chemins d’Emmaüs » réunissent une grande diversité d’âge, de parcours de vie : personnes homosexuelles, parents d’un enfant homosexuel, ex- conjoint d’un mari ou d’une femme découvrant ou acceptant son homosexualité après s’être engagé dans un mariage, des personnes « conforme aux normes » et loin de cette réalité désireuses de mieux comprendre…. Pour avoir participé à différents chemins d’Emmaüs dans plusieurs diocèses, je peux vous assurer que cela fait tomber bien des préjugés sur l’homosexualité.
Cycles de formations
Initiés par le diocèse de Poitiers qui en a organisé 3 dans des secteurs différents (2014, 2015 et 2016), ces « Jeudis de la différence » font des émules dans d’autres diocèses (Orléans en 2016 – Angoulême et Nantes à l’étude en 2017). L’objectif est d’éveiller les communautés chrétiennes à l’accueil des personnes homosexuelles. Ces cycles de formation sont articulés en 4 soirées bâties sur la même pédagogie (même s’il y a eu quelques différences en fonction des lieux) :
1- Un film « Le ciel sur la tête » qui donne à voir le choc des parents lorsque leur fils leur apprend son orientation homosexuelle. Un film très intéressant dans lequel beaucoup de parents se retrouvent.
2-  Une soirée de témoignages et d’échanges autour du film.
3- Une conférence sur l’Église et l’homosexualité.
4- Une soirée pastorale pour avancer ensemble.
Des lieux d’accueil
L’accueil Marthe et Marie dans le diocèse de Lille qui propose rencontres autour d’un verre, temps de prière, conférences…
La Maison des Familles à Boulogne-Billancourt (diocèse de Nanterre) qui propose un groupe de parole « « Chemin faisant, accueillir l’homosexualité » et dernièrement une journée de réflexion « L’homosexualité, parlons-en » où 120 personnes ont participé aux conférences et aux 20 tables rondes proposées durant l’après-midi.

Des propositions diverses
De nombreuses conférences dans au moins 30 diocèses pour mieux comprendre le vécu des personnes homosexuelles et de leurs familles et aider les chrétiens et les communautés chrétiennes à mieux estimer les personnes et mieux intégrer, comme le suggère le Pape « au sens très fort d’un engagement concret et fidèle de la vie de tous les jours »[6]
Des soirées témoignages, notamment avec des parents, là encore dans de nombreux diocèses.
La journée annuelle de partageà la maison diocésaine de Chaillé-les-Marais dans le diocèse de Luçon.
Des rencontres avec des prêtres et les vicaires épiscopaux comme à Tours, Créteil ou Rouen.
Des courriers envoyés à tous les acteurs pastoraux comme à Lyon ou à St Etienne dans le but de sensibiliser et d’aider les responsables sur des questions concrètes.

Toutes ces initiatives sont diocésaines. Il faudrait y ajouter, bien évidemment toutes les propositions d’accueil, de réflexion, de conférences, de récollection, de retraites, de temps de prière… faites par les associations telles que David et Jonathan, Devenir Un En Christ, la Communion Béthanie, Réflexion et Partage.

De plus, de nombreuses équipes diocésaines commencent à mutualiser leurs réflexions, leurs expériences au cours de rencontres communes. Ainsi à Angoulême, depuis 2 ou 3 ans, des personnes de 12 diocèses différents se retrouvent 4 fois par an. S’il y a encore beaucoup d’avancées qui doivent naître dans notre Eglise Catholique, comme le soulignait l’un des textes du Conseil Famille et Société : « beaucoup peut encore être fait pour mieux accueillir et accompagner les personnes homosexuelles et leurs familles. »[7],  ces nombreuses initiatives pastorales contribuent à changer le regard sur le vécu des personnes homosexuelles.
Comme le souligne Laurent Lemoine, sans changer les mots de la doctrine, les diocèses, les communautés chrétiennes catholiques peuvent aujourd’hui « recommander des gestes, des attitudes, des comportements précis pour acter concrètement un meilleur accueil ».[8]
« Il est au moins sûr que l’abord pastoral est le meilleur levier car les personnes homosexuelles aiment, pensent, souffrent, travaillent. Les considérer comme des compulsifs de la transgression était affreusement déshonorant »[9]
Je demeure donc optimiste même si beaucoup reste encore à faire.
Le chemin peut paraître encore long, ardu pour certains, mais il a l’avantage précisément d’être un chemin qui nourrit notre espérance et oriente nos engagements.
Claude Besson
6 janvier 2017

[1] Conseil Famille et Société, Élargir le mariage aux personnes de même sexe ? Ouvrons le débat !, septembre 2012, p.4 et 6.

[2] Idem p.6

[3] Conseil Famille et Société, Poursuivons le dialogue, mai 2013, p.5

[4] Père Denis Trinez in La Croix, 19 mars 2014, page 17

[5] Diocèse de Nantes, dépliant de l’équipe s’accueillir

[6] Laurent Lemoine, Homosexualité, l’Eglise doit évoluer, Témoignage Chrétien, n°3697, septembre 2016, p. 78

[7] Conseil Famille et Société, Poursuivons le dialogue, mai 2013, p.5

[8] Laurent Lemoine, op. déjà cité, p.80

[9] Ibid, p.81

 

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